L’écoute active est un concept développé par le psychologue Thomas Gordon en 1975 à partir des travaux sur l’approche centrée sur la personne du psychologue américain Carl Rogers, dont il était l’élève.
C’est une posture fondamentale dans la relation d’aide, les entretiens en face à face.
Elle consiste à écouter l’autre attentivement et de façon non directive, à instaurer confiance, respect et empathie avec son interlocuteur afin que ce dernier s’exprime en toute liberté, sans crainte de jugement hâtif et sans pression.
Mais comment adopter cette posture ? Qu’apporte-t-elle à la personne accompagnée ?
Les fondements de l’écoute active
A l’origine de « l’écoute active », il y a l’Approche centrée sur la personne, méthode développée par Carl Ransom Rogers, qui met l’accent sur la qualité de la relation entre le thérapeute et son patient.
A partir des travaux de C. Rogers, la technique d’accompagnement appelée méthode non-directive a fait son apparition en France dans les années 50 et s’est ensuite transformée en écoute active.
Le principe fondateur de l’écoute active est que chaque être humain a en lui-même la ressource nécessaire à son développement personnel. Ainsi, le postulat de base est que l’être humain a naturellement tendance à avancer, de manière constructive et positive, sur la base de ses expériences, positives ou négatives. C’est la croyance que chaque être humain peut mobiliser ses potentialités et aller naturellement vers son épanouissement. On retrouve ici un concept clé de l’Approche Narrative.
Les « conditions nécessaires et suffisantes » définies par Carl Rogers sont :
- La congruence : l’accompagnant est authentique et transparent dans ses sentiments, ses pensées, ses attitudes qui sont en train de circuler en lui tandis qu’il est à l’écoute de son client, et il pourra lui en faire part au moment où il le jugera pertinent,
- Le regard positif inconditionnel : l’accompagnant offre une acceptation totale et sans jugement du récit de la personne, qui se sent ainsi valorisé et accepté pour ce qu’il est, indépendamment de ses comportements ou de ses sentiments,
- La compréhension empathique, définie comme la capacité à comprendre les sentiments et les perspectives de l’autre personne comme si l’on était dans sa situation. Le personne ressentira ainsi qu’elle est pleinement entendue et comprise.
Ainsi bien entendu que la perception par le client du regard positif inconditionnel et de la compréhension empathique de la personne qui l’accompagne.
Comment acquérir la posture d’écoute active ?
L’écoute selon l’Approche centrée sur la Personne, doit être expérimentée, ressentie, perçue concrètement. Elle ne peut pas s’acquérir comme une compétence technique, en apprenant des concepts et en les appliquant. Elle doit réellement être vécue par l’accompagnant pour en apprécier les effets et s’y consacrer pleinement.
L’écoute active, centrée sur la personne, fait appel aux qualité humaines intrinsèques de l’accompagnant, à sa présence, et à son engagement aux côtés du client. La conversation, l’écoute et les questions : tout est totalement centré sur la personne qu’il accompagne, et surtout pas sur sa pratique de professionnel. Il doit toujours veiller à ne pas faire de supposition ni d’interprétation, à prendre soin de vérifier ce qu’il a saisi des dires de son clients, par les outils classiques de reformulation et de feedbacks. Il doit éviter à tout prix de faire des interprétations, qui seront nécessairement empreintes de son propre cadre de référence.
Le silence a également un rôle fondamental. Utilisé au bon moment, il permet à la personne de poursuivre son cheminement, sa réflexion. Seule une observation attentive de la personne permet de détecter le moment où le silence doit s’imposer et combien de temps il doit durer. Ce qui sort de ces silences est bien souvent extrêmement aidant pour la personne.
Et c’est là la différence fondamentale entre le fait d’écouter avec toute son attention et sa concentration, pour être au plus près du récit de son client ; et le fait de pratiquer l’écoute active. Bien souvent, les praticiens ont tendance à analyser, chercher du sens et à tenter de comprendre, au sens intellectuel du terme, ce que l’autre évoque. Et même à se dire « mais c’est ça, il lui arrive cela, je sais ce qu’il devrait faire », ou « ah mais oui, j’ai déjà vécu cette situation, je comprends parfaitement », « cela me rappelle M. ou Mme X, à qui il est arrivé la même chose. C’est pareil » …
Mais non ! le client vit une situation, qui a peut-être des points de similitudes avec ce que vous avez déjà vécu ou entendu dire, mais pour autant, sa situation est unique, car
IL la vit de façon unique, qui lui appartient, selon SON cadre de référence, ses émotions.
C’est ce point qui demande le plus d’effort au praticien qui souhaite adopter une posture d’écoute active. D’abord, il lui faut accepter que bien qu’accompagnant, il ne sait pas.
Je suis l’accompagnant, mais je ne suis pas le sachant.
Les pouvoirs de l’écoute active
Pour la personne accompagnée
Procéder ainsi, c’est clairement redonner le pouvoir à la personne : c’est elle qui sait ! Pour la simple et bonne raison que c’est elle qui vit le ou les évènements.
Laisser le pouvoir à la personne, c’est lui laisser l’opportunité d’explorer en elle, d’aller à la recherche de ses besoins et envies profondes, et de la reconnecter à ce qu’elle est vraiment.
C’est tout simplement lui laisser la chance d’être elle-même, de décider pour elle-même. De faire d’elle une 💪SUPER HEROINE ou un 💪SUPER HEROS.
L’écoute active donc est une manière d’être et non une manière de faire. On ne décrète pas « à partir de maintenant, c’est décidé, j’écoute activement ! ». En tant qu’accompagnant, il faut être constamment en veille, à faire attention à ne jamais faire de raccourcis, de représentations ou d’interprétations, qui s’avèreront probablement erronées.
Pour l’accompagnant
En pratiquant l’écoute active, l’accompagnant s’offre la chance incroyable d’entrer dans le monde de la personne qu’il accompagne. Il peut alors l’explorer, aller à la rencontre de son mode de fonctionnement, le questionner, s’en émerveiller, l’honorer. C’est à cette condition que la personne aura la place nécessaire pour parler d’elle, exprimer ce qu’elle a au plus profond d’elle-même, y compris ce qu’elle n’a pas nécessairement conscientisé. L’accompagnant part à la découverte d’une nouvelle culture, d’un nouveau pays, régit par ses propres règles et avec ses propres croyances. Cette métaphore est très parlante : qui mieux qu’un habitant d’un pays étranger peut nous faire visiter son pays et nous en expliquer les coutumes ?
Cela nécessite de la part de l’accompagnant de procéder sans cesse à un travail de déconstruction de sa propre réalité, afin de pouvoir entrer dans la réalité de la personne.
Evidemment, une telle pratique est sans conteste extrêmement enrichissante pour l’accompagnant, qui sans cesse revisite son propre monde à la lumière de celui des autres. C’est un incroyable voyage à chaque conversation. Et un vrai cadeau pour la personne accompagnée de surcroit !
Le mot de l’auteur :
Je me souviens encore des paroles de Pierre Blanc-Sahnoun, venu nous dire un petit mot lors de ma formation aux Pratiques Narratives : « vous n’imaginez pas la chance que vous avez de n’en être qu’au début de la pratique car vous allez découvrir un monde incroyable. Soyez toujours les ravis de la crèche, passionnez vous pour le monde l’autre, explorez-le le plus naïvement possible ». Ces paroles ne m’ont jamais quittées et elles guident chacun de mes accompagnements. Et j’ai découvert autant de pays différents que de personnes accompagnées. J’ai finalement beaucoup voyagé, tout en restant dans mon bureau !
Marie Gaud