Face aux difficultés actuelles en matière de recrutement, beaucoup d’entreprises misent sur la fidélisation de leurs salariés, leur bien-être. Une dimension non négligeable dans ce domaine est celle du contrat psychologique. Que représente-t-il ? Quels en sont les enjeux ? Comment s’en saisir pour améliorer son management ?
Comprendre le contrat psychologique
L’employeur et ses salariés sont liés par le contrat de travail. Il est explicite et fixe les règles de la collaboration. Mais il existe un autre type de contrat, qualifié de contrat psychologique par Chris Argyris (Chercheur en sciences Sociales américain) dès les années 1960 et dont Nathalie Delobbe donne la définition suivante :
« Le contrat psychologique se définit comme la perception que l’employé a des obligations mutuelles, d’ordre économique et relationnel, qui sous-tendent la relation d’emploi. Régi par une norme de réciprocité, le contrat psychologique est dynamique et conditionne les contributions de l’employé. » (Source : Delobbe N., Psychologie du travail et des Organisations, 2016, Dunod)
Ce contrat, implicite, serait donc le contrat qui va régir l’engagement du salarié dans l’entreprise, les croyances et la confiance qu’il a envers l’organisation. Il se forme à partir de croyances et de perceptions individuelles, et peut évoluer en fonction des changements organisationnels ou des attentes de chacune des parties. Le salarié interprète les signaux envoyés par l’entreprise, par son manager, par ses collègues. Il construit ainsi ses croyances et définit ses attentes vis-à-vis de l’entreprise. Il peut s’agir d’évolution de carrière, de rémunération, d’aménagement des conditions de travail, … Des sujets très concrets donc.
Prenons un exemple simple. Une entreprise a pour habitude d’embaucher des commerciaux juniors sur des postes itinérants et de les faire évoluer au bout de 3 ans sur un poste sédentaire ou d’autres missions. Un salarié embauché en tant que commercial junior, arrivant dans l’entreprise, peut interpréter ce signal et penser comme acquise son évolution au bout de 3 ans d’ancienneté.
Voilà un exemple de contrat psychologique qui va lier le salarié à son employeur et qui va influer sur son engagement, son implication et son assiduité.
Reprenons notre exemple. Que se passe-t-il si finalement, le salarié en question ne se voit aucune évolution proposée au bout de 3 ans d’ancienneté ? Quelle réaction cela peut-il entrainer ?
Il y a de grandes chances que le salarié ne comprenne pas, qu’il se sente personnellement visé, trahi, …
N. Delobbe indique ainsi que la « rupture [du contrat psychologique] peut conduire à des réactions émotionnelles intenses, connues sous le terme de violation »1.
Or, dans notre exemple, aucune promesse formelle de ce type n’avait jamais été faite au salarié. Ses attentes se sont fondées sur son interprétation du fonctionnement de l’entreprise.
Prenons un second exemple, basé sur la réciprocité des services rendus. Lorsqu’un collaborateur est impliqué, engagé, il y a fort à parier qu’il peut être amené à en faire plus que ce que le contrat de travail exige. Il peut s’agir d’horaires, de tâches non prévues, … Et cela sans que le manager ou l’entreprise ne l’ai demandé. Le salarié agit de sa propre initiative. Si vous vous reconnaissez dans ce salarié, peut être vous reconnaitrez-vous également dans le salarié qui se dit « avec tout ce que je fais pour l’entreprise, ils me doivent bien de m’accorder ces jours » ou encore « j’ai beaucoup donné, j’ai bien mérité une prime ». Il s’agit là aussi d’un contrat psychologique, que le salarié s’est construit et imaginé. Mais là encore, rien ne lui a été promis. Et s’il n’obtient finalement pas de prime ? Et si les jours dont il a besoin lui sont refusés ?
Comprendre quel contrat psychologique lie le salarié à son entreprise offre une clé supplémentaire pour mieux manager et fidéliser les salariés.
Comment s’en saisir pour mieux manager ?
Au travers des exemples vus, on comprend que tout salarié est lié à son entreprise par un contrat psychologique. Et ce contrat s’élabore dès le recrutement. L’identifier, le comprendre, prévenir les réactions est un levier managérial très important. Quelques bonnes pratiques permettent de considérer ce contrat psychologique, et de le respecter.
La première règle, fondamentale, est d’adopter une bonne communication, transparente et honnête. Il ne doit pas y avoir d’ambiguïté dans les messages portés par l’entreprise ou par le manager. Par exemple, si aucune promotion n’est envisagée, il s’agit de ne pas dire au salarié en attente de promotion que la question sera vue en fonction de sa performance. Que pensera ce collaborateur, qui a tout donné, dont les objectifs sont atteints ou dépassés, et … qu’il n’a pas de promotion ?
Autre exemple de clarté du message : dire « tu as le niveau d’un cadre » à un salarié non-cadre peut être interprété comme « ils vont me passer cadre ». Cette ambiguïté peut donner lieu à des interprétations, générer de l’espoir et in fine, de la déception.
La seconde règle, finalement tout aussi fondamentale que la première, est que les actes et les paroles doivent être en phase.
Prenons l’exemple d’une entreprise qui demande un effort à ses salariés en période de crise, indiquant que cet effort sera récompensé, et que finalement, rien ne se passe. Que vont penser les salariés ? Comment vont-ils se sentir ? Pensez vous qu’ils feront un effort la semaine, le mois ou l’année suivante ?
Ou encore une entreprise qui offre la possibilité à un salarié de faire une formation qualifiante, mais qui le maintient dans son poste à l’issue de la formation. S’il n’est pas clair dès l’acceptation de la demande de formation que l’entreprise ne pourra pas offrir de poste en adéquation avec le nouveau niveau du salarié, cela génère nécessairement un sentiment de frustration, de « à quoi bon ? ».
Enfin, tout salarié a une situation professionnelle et personnelle unique. Ses attentes et les « termes » du contrat psychologique peuvent évoluer. Repérer ces évolutions c’est repérer les possibles ruptures et les prévenir.
Qu’il s’agisse d’acquisition de nouvelles compétences, de réorganisation, de rachat, de changement de poste, … toutes ces situations peuvent être sujettes à des évolutions dans les attentes du salarié et donc dans les termes du contrat psychologique.
En conclusion, la prise en compte de ce contrat psychologique, tacite et implicite, offre une nouvelle dimension managériale, une opportunité de fidéliser ses salariés. Le rompre peut amener à des réactions émotionnelles intenses. Le respecter renforce la relation de confiance que le salarié a envers son entreprise, son engagement et donc sa performance.