L’écoute active est une compétence essentielle dans la relation soignant – patient. Les échanges avec le patient vont alors bien au-delà d’une simple conversation.
Dans le milieux médical, l’adoption de la posture d’écoute active par le soignant va permettre une amélioration notable dans la relation au patient, sa confiance. Elle implique une attention pleine et entière à la fois verbale et non verbale aux propos du patient. Des études ont pu montrer les bienfaits d’une telle posture.
Les principes fondateurs de ce concept ont été vus dans l’article L’Ecoute Active : une posture qui donne le pouvoir.
Constat
En février 2019, la Haute Autorité de Santé (HAS) publie le « Guide méthodologique : simulation en santé et gestion des risques1 », assorti d’un livret d’outils méthodologiques2. On y retrouve une fiche outil sur l’écoute active, qui relate une étude réalisée par Beckman et Frankel3 sur la conduite de consultations.
« L’analyse de 74 consultations a montré que seulement 23 % des patients avaient été invités à exposer la totalité des symptômes qu’ils présentaient ou à reformuler les instructions données. Dans tous les autres cas, le médecin les avait interrompus avant (souvent pour gagner du temps). Ces interruptions par le médecin avaient abrégé l’exposé des problèmes et les reformulations, ou avaient orienté le patient dans une idée préconçue et partiellement inexacte. »
Remarque : D’autres données chiffrées sont fournies dans l’article, notamment sur le temps de parole moyen accordé au patient, reportées dans l’infographie ci dessous.

Ce constat est alarmant. Le patient attend souvent le moment de la consultation avec le médecin, pour pouvoir exprimer ce qu’il ressent, qu’il s’agisse de symptômes physiques ou psychologiques. Or, il semble qu’une majorité d’entre eux ne se sente pas entendu, ce qui a par ailleurs des conséquences à priori non négligeables sur l’évolution du patient, comme l’indique la suite de l’article de l’HAS.
Aussi, s’il est de prime abord évident que le médecin est le sachant, qu’il va écouter son patient pour pouvoir faire un diagnostic et le soigner au mieux, il semble que la relation ne soit pas si simple. Le soignant le sachant ? Vraiment ? Qui mieux que le patient sait ce qu’il ressent et quels symptômes il présente ?
Si le soignant ne prend pas la peine d’écouter attentivement son patient, de le questionner, de reformuler, d’explorer, comment peut-il avoir une vision précise et exhaustive des symptômes et de fait, poser alors un diagnostic pertinent et complet ?
L’écoute active trouve ainsi toute sa place dans la posture du soignant. Elle permet de créer une relation de confiance avec le patient, celui-ci se sentant écouté. Il est reconnu dans ce qu’il est en train de vivre, dans ses ressentis et ses émotions. Il peut ainsi s’exprimer librement, permettant au soignant d’exercer pleinement son métier.
Les bénéfices de cette posture dans la relation soignant – patient sont multiples et ont fait l’objet de nombreuses études.
1. Amélioration de la communication entre le soignant et le patient

L’écoute active permet d’établir une communication claire et efficace entre le soignant et le patient. En reformulant les propos du patient et en posant des questions ouvertes, le soignant s’assure de bien comprendre ce que le patient exprime. Cela évite les malentendus et aide à recueillir des informations précises sur l’état de santé du patient.
Les patients se sentent alors écoutés et compris, ce qui les incite à fournir plus de détails, parfois cruciaux, sur leur état de santé. Selon une étude de Stewart et al. (2000)4, « La communication centrée sur le patient influence la santé des patients à travers la perception que leur consultation était centrée sur eux, en particulier grâce à l’impression d’avoir trouvé un terrain d’entente avec le médecin. La pratique centrée sur le patient a amélioré l’état de santé et a augmenté l’efficacité des soins en réduisant le nombre de tests diagnostiques et de renvois vers des spécialistes. »
2. Renforcement de la relation de confiance et amélioration de l’adhésion thérapeutique

L’écoute active crée une atmosphère de confiance et de sécurité. Lorsque le patient se sent écouté sans jugement, il a tendance à être plus ouvert à partager ses inquiétudes, ses peurs ou ses doutes. Le soignant, en retour, peut ainsi répondre de manière plus empathique et adaptée à ces besoins émotionnels.
Une étude de Haskard Zolnierek et DiMatteo (2009)5 montre que les patients qui se sentent écoutés sont plus satisfaits de leurs soins, ont plus confiance dans les compétences de leur soignant, et sont plus enclins à suivre les traitements recommandés. Cette confiance est la clé d’une bonne relation thérapeutique, car elle améliore la coopération et l’adhésion au traitement. Précisément, il a été montré dans cette étude que « Le risque de non-observance est 19 % plus élevé chez les patients dont le médecin communique mal que chez ceux dont le médecin communique bien. La formation des médecins aux techniques de communication entraîne des améliorations substantielles et significatives de l’observance du traitement par les patients, de sorte qu’avec une formation en communication, les chances d’observance du traitement par les patients sont 1,62 fois plus élevées que lorsqu’un médecin ne reçoit aucune formation »
3. Réduction de l’anxiété et du stress chez le patient

L’écoute active permet d’apaiser l’anxiété et le stress du patient, qui se sent soutenu. Lorsque le soignant adopte une posture d’écoute attentive, le patient perçoit qu’il est pris en charge non seulement pour ses symptômes physiques, mais aussi pour son bien-être émotionnel. La communication non verbale, comme le contact visuel et les gestes bienveillants, joue aussi un rôle dans cette réassurance.
Selon Williams et Stickley (2010)6, l’écoute active réduit les émotions négatives chez les patients, ce qui a un impact positif sur leur bien-être global. Cette réduction de l’anxiété est essentielle, en particulier chez les patients souffrant de maladies chroniques ou graves, où le stress psychologique peut aggraver la condition physique.
4. L’impact bénéfique sur le soignant

Dans le cadre d’une thèse réalisée en 2019 intitulée « Etude qualitative sur les impacts d’une formation à l’écoute active pour des médecins généralistes », un échantillon de 16 médecins formés initiés à l’écoute active a été étudié. Il est conclu que :
« Les médecins formés ont relevé des changements bénéfiques dans le vécu de leur métier, dans leur posture par rapport au patient, dans leur pratique médicale. Ils faisaient état d’une sensation de confort au travail après la formation alors qu’ils jugeaient leur métier contraignant, stressant et difficile. Les médecins formés évoquaient des consultations apaisées, une évolution de relation médecin-patient vers une relation de collaboration favorisant l’autonomie du patient. En termes de décision médicale, les médecins formés avaient l’impression de mieux appliquer leur savoir médical chez les patients devenus eux-mêmes plus observants. Ils font état d’une carence de formation à la communication lors de leur cursus initial »7.
Finalement, le fait que le soignant adopte une posture d’écoute est donc bénéfique pour le patient mais également pour le soignant, qui considère qu’il a un exercice de la médecine plus qualitatif.
Conclusion
L’écoute active est un outil puissant dans la relation entre le soignant et le patient. Elle permet d’améliorer la communication, de renforcer la confiance, de diminuer l’anxiété du patient, d’encourager l’adhésion au traitement, et de prendre en compte les dimensions psychosociales. Enfin, elle favorise également la satisfaction du soignant, créant ainsi une relation thérapeutique plus efficace et enrichissante. L’écoute active n’est donc pas seulement un acte de communication, mais une véritable compétence thérapeutique.
- https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2019-02/guide_methodologique_simulation_en_sante_et_gestion_des_risques.pdf ↩︎
- https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2019-02/outils_du_guide_methodo_simulation_en_sante_et_gestion_des_risques.pdf ↩︎
- Beckman HB, Frankel RM. The effect of physician behavior on the collection of data. Ann Intern Med 1984;101(5):692-6. ↩︎
- Stewart, M., et al. (2000). « The impact of patient-centered care on outcomes. » Journal of Family Practice. ↩︎
- Haskard Zolnierek, K.B., & DiMatteo, M.R. (2009). « Physician communication and patient adherence to treatment: A meta-analysis. » Medical Care. ↩︎
- Williams, S., & Stickley, T. (2010). « Empathy and listening in the context of nurse-patient relationships: Perceptions of patients and nurses. » Journal of Clinical Nursing. ↩︎
- Thèse soutenue publiquement le 19 juin 2019 par Shouyu FU à la faculté de médecine Paris Sud sous la direction de Pascale Arnoud et François Raineri, membres titulaires de la SFMG ↩︎